Colonies des agents
technobiotiques

 


L'impact des activités humaines sur les écosystèmes, en augmentation constante, a provoqué un effondrement de la biodiversité et un bouleversement des grands cycles biogéochimiques (carbone, azote, eau, etc.) Une des marques les plus frappantes de l’humanité est qu'elle constitue un accélérateur d’entropie. Deux des plus graves problèmes du changement global sont l'effet de serre et la déforestation. Ces deux problèmes sont liés par un même indicateur, le cycle du carbone et le taux de CO2 dans l'atmosphère, et constituent en réalité une seule et même problématique, celle du réchauffement de la planète. En effet, l'homme n'influe pas seulement sur la concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère, mais aussi sur son absorption, en réduisant la couverture végétale. La croissance de la production économique mondiale depuis 1945 a été plus forte que celle enregistrée au cours des milliers d'années écoulées auparavant. Ses effets sur l’environnement et la santé publique sont de plus en plus importants :


(1) La déforestation en milieu tropical a doublé entre 1979 et 1989, et plus de 25 % des arbres dans les forêts européennes souffrent d’une défoliation manifeste.


(2) La surexploitation des ressources maritimes et le développement côtier affectent les deux tiers des récifs coralliens (c’est ainsi que les coraux, qui recouvraient la moitié du sol marin dans les eaux peu profondes de la Jamaïque, n’en couvrent plus que 5%).


(3) On prévoit que la consommation d’énergie dans le domaine des transports va augmenter à peu près de 50 % entre 1993 et 2010, tandis que 100 millions de personnes en Europe et en Amérique du Nord souffrent déjà de l’air pollué et que l’asthme a augmenté de manière dramatique.


(4) On utilise de plus en plus de pesticides, bien qu’il y ait 3,5 à 5 millions d’empoisonnements par les pesticides par an, sans compter les effets chroniques, liés notamment à la présence résiduelle des pesticides dans l’alimentation et dans l’eau.

(5) Le réchauffement de la planète cause chaque année des milliers de décès dus aux vagues de chaleur, et il pourrait provoquer une montée des eaux telle que les îles Marshall, les Maldives, le delta du Gange au Bangladesh, le delta du Nil en Egypte et le delta du Niger au Nigeria seraient inondés, tandis que 11 millions de personnes au Bangladesh, 6 millions en Egypte et un demi-million au Nigeria seraient déplacées. A noter que la montée des eaux va provoquer l'évacuation de l'archipel de Tuvalu, dont les habitants quitteront définitivement le petit Eden du Pacifique à partir de 2002.


(6) Le réchauffement global conduirait aussi à une augmentation des maladies infectieuses (des modèles sur la propagation de la malaria montrent que la fréquence des cas pourrait augmenter de 50 à 80 millions par an et toucher des endroits de la zone tempérée si la température globale moyenne montait de 3°C d’ici à 2100), et les effets négatifs du changement climatique sur l’agriculture dans les pays pauvres risquent de menacer 40 à 300 millions de personnes de la faim d’ici 2060.


Pour traiter ces problèmes et anticiper ceux qui suivront, le laboratoire d’écologie mutante inaugure une géopolitique planétaire, ambitieuse et prospective. Au programme : organiser la colonisation spatiale, perfectionner les OGM, améliorer les centrales nucléaires, diriger des programmes scientifiques sur la biodiversité et libérer de vastes territoires sauvages. Cette techno-gestion est déjà en phase d'instauration, même si ses acteurs n'en ont pas encore pleinement conscience. Sa rigueur sera sans comparaison avec le FMI, la Banque Mondiale et autres instances de régulation du marché mondial.


La mise en place de colonies d'agents technobiotiques entend accélérer le mouvement. Ces groupes s’inspirent à la fois des principes mutants et des idées de la deep ecology. Leur but sera d’éviter deux scénarios catastrophiques pour l’avenir : le statu quo mortifère et le sacrifice inutile. Le statut quo mortifère serait de poursuivre dans la voie d’une mondialisation basée sur les mécanismes dépassés du capital, consistant à exporter et étendre ses pollutions, plutôt qu’à les internaliser ou les réduire. Le sacrifice inutile désigne la généreuse, mais vaine idée d’autolimitation technologique des pays avancés : car, pendant que l’Occident réduirait ses capacités techniques, les pays émergents seraient en situation de renverser la tendance à leur profit, avec les bons principes des droits de l’homme en moins.


Seul reste l’horizon de la Mutation : c’est-à-dire toujours plus de technologie et de sauvage, d’ingénierie et de connaissances biologiques. Les agents technobiotiques sont des militants scientifiques radicaux. Plusieurs d’entre eux sont déjà gagnés à la cause de la Mutation et jouent le rôle d'experts auprès d'organismes internationaux. Peut-être certains d’entre eux deviendront-ils plus jusqu’au-boutistes que les autres, s’apercevant que des milliers de vies humaines valent moins qu’une seule espèce vivante - ce qu’illustrent d’ailleurs abondamment les charniers de l’Histoire.

A titre d'exemple, parmi les nombreuses initiatives des agents technobiotiques, on trouve un Projet Grands Prédateurs.

Selon Konrad Lorenz, « Les proies ont besoin de prédateurs naturels qui sélectionnent les éléments faibles ou malades, permettant ainsi à l’espèce dans son ensemble de rester saine. Si nous réimplantions des lynx et des loups dans nos espaces naturels, ce serait très sain pour les populations de cerfs et de chevreuils. Il est faux de prétendre que les chasseurs se substituent complètement à ces prédateurs, puisque les chasseurs ne tirent pratiquement que sur des mâles adultes. »

Or, contrairement à ce que prétendent les ignares de tous crins, les grands prédateurs d’Occident (loups, ours, lynx) ne daignent pas attaquer le primate humain. La plupart des documents dignes de fois l’attestent : les loups deviennent anthropophages en cas d’épidémies (ce qui est finalement nous rendre service) et ne manifestent d’agressivité que lorsqu’ils sont atteints de la rage, comme tous les autres animaux. Bien plus dangereux en comparaison se révèlent les animaux domestiqués et imprégnés, qui ont appris à ne plus craindre le singe Sapiens Sapiens. Cependant, si d’aventure un loup affamé ou malade venait à croquer un berger à moitié mort de froid, il faudrait, en vertu du principe annoncé au précédent paragraphe, féliciter l’agent technobiotique ayant réintroduit l’animal. L'agent technobiotique est lui-même un prédateur : il n’aura aucune pitié contre-productive pour les primates de son espèce.

Voici une liste non-limitative des axes technobiotiques :

Entrisme
Tout ingénieur ou scientifique Mutant doit influencer les Etats, les multinationales et les instances planétaires de décision dans le sens d'une biodiversification et d'une biocomplexification de la Terre. Pour être efficace, cette influence ne doit jamais être exercée officiellement au nom de la Mutation.

Sabotage
Les agents technobiotiques ont un droit de sabotage à l'encontre des activités suivantes : trafic d'animaux protégés, déforestation illégale, pollution déguisée de l'air, de la mer, des fleuves, des sols et sous-sols, etc.

Crime contre la nature
Les agent technobiotiques se déclarent en faveur d’un droit de tuer tous ceux qui se rendront responsables d’un crime contre la nature : pyromanes multirécidivistes, propriétaires de tankers sous pavillon de complaisance ayant causé au moins une marée noire, contrebandiers d’espèces en voie d’extinction, etc.

Géobiotique I
Tous les Etats se reconnaissant des liens dans le domaine du combat écologique doivent être secrètement encouragés par les Eco-mutants à créer des alliances, dans le but de menacer la sécurité et l’économie des Etats réfractaires aux dispositions internationales en matière d’environnement.

Géobiotique II
Les agents technobiotiques oeuvrent au rapprochement de l’ensemble européen et du sous-continent indien. Ces deux entités géopolitiques pourraient s’entreféconder : l’Inde apportera à l’Europe le sens du respect de l’animalité (non sur des bases sentimentalistes, mais pratiques), et l’Europe en retour obligera l’Inde à maîtriser sa démographie.

Bio-terrorisme
Les ingénieurs et scientifiques mutants sont appelés à travailler dans les laboratoires pour utiliser les armes de la vie contre les ennemis du vivant. En clair : une des meilleures stratégies à l’encontre d’un Etat accusé de crime contre la nature, surtout si ce dernier exerce un chantage nucléaire, est la guérilla bio-terroriste.

Bonne gestion des déchets = pas de déchets
Loin de considérer qu’il s’agit d’une question méprisable, les agents technobiotiques prônent une politique éclairée du déchet, ou une civilisation anti-déchet, ce qui, ramené à l’endroit, veut dire une civilisation libérée du cycle de la consommation exponentielle. Toute entreprise coupable d’ « incitation à la prolifération des déchets » (double papier d’emballage, rasoir jetable, téléphone jetable (sic !), et autres hérésies écologiques) sera sévèrement punie.

Unités de production et de recyclage domestiques
L’ingénierie technobiotique doit se tourner prioritairement vers la domotique (optimisation de la consommation d’énergie en autonomie, impliquant plusieurs sources d’énergie, une meilleurs isolation ; mais aussi mise au point de recycleurs à usage domestique, etc.).