Sommes-nous tous des
“ criminels contre l’espèce humaine ” ?

 


Du jour au lendemain, le droit français risque de voir apparaître une qualification pénale gravissime : celle de “ crime contre l’espèce humaine ”, punie des sanctions les plus lourdes. Problème : ce bricolage juridique décidé à la va-vite sur pression du lobby catholique à l’Assemblée est aussi imprécis qu’aberrant. Ainsi, les pratiques de “ sélection des personnes ” qu’il est censé interdire sont déjà abondamment pratiquées, en toute légalité. Quant à la notion de “ crime contre l’humanité ”, elle va se trouver un peu plus dévalorisée et banalisée. Quoi de commun entre Adolf Hitler et une femme stérile qui recourt au clonage comme dernière chance d’avoir un enfant ? Il serait temps de revenir à la raison…

A l’initiative de M. Mattéi, qui souhaitait voir reconnaître un nouveau “ crime contre l’humanité de l’homme ”, le projet de loi bio-éthique crée dans la précipitation une nouvelle qualification juridique, le “ crime contre l’espèce humaine ”, sanctionné des peines les plus lourdes : trente ans d’emprisonnement (perpétuité en cas de bande organisée), 7.500.000 euros d’amende, prescription trentenaire...

Le modèle est à l’évidence celui des crimes contre l’humanité. Le problème est qu’il n’y a ici aucune mesure entre la solennité de la condamnation, la gravité des peines et la nature des actes. Quoi de commun, en effet, entre un Etat qui extermine froidement une minorité et un individu qui fait un choix personnel relatif à la procréation ? Quoi de commun entre une personne qui veut éliminer, torturer ou déporter une autre en raison de son appartenance raciale, religieuse ou politique et une personne qui souhaite donner à son enfant le meilleur bagage pour son existence future ? Quoi de commun entre une technique dont la visée fondamentale est de donner la vie (le clonage) et des pratiques dont le but avoué est de donner la mort ? La réponse est simple : rien. La création du grandiloquent “ crime contre l’espèce humaine ” obéit des convictions idéologiques ou religieuses exacerbées, incompatibles avec la raison et la mesure exigées par le droit.

Qui plus est, un simple regard sur les pratiques actuelles de nos sociétés témoigne de l’absurdité du projet de loi bio-éthique. Ainsi, l’article 214-1 considère comme crime contre l’espèce humaine “ le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes ”. Or, ces pratiques eugéniques telles que définies ici sont monnaie courante aujourd’hui.

Lorsqu’une future mère décide d’avorter parce que son embryon ou son fœtus est atteint d’une malformation grave, elle pratique une “ sélection des personnes ” avec l’encouragement du Planning familial. Lorsque les CECOS (Centres d’étude et de conservation des oeufs et du sperme humains) enquêtent sur les donneurs de gamètes, en choisissent certains et en excluent d’autres, répondent aux demandent des futurs parents sur la compatibilité entre le donneur et leur propre cadre de vie, ils pratiquent la “ sélection des personnes ”. Lorsque deux parents atteints d’une maladie génétique grave pratiquent un diagnostic pré-implantatoire (DPI) sur leurs embryons et choisissent l’embryon sain au détriment des autres, ils pratiquent une “ sélection des personnes ”.

Les exemples de ce genre sont nombreux. Ils ne sont nullement réprimés. Où est donc la frontière entre la sélection autorisée, voire encouragée, et la sélection condamnée, sinon dans l’arbitraire ? Et puis surtout : en quoi l’Etat doit-il intervenir dans un domaine aussi personnel et privé que celui de la procréation tant que la santé publique et les droits fondamentaux des individus ne sont pas mis en danger ?

Les Mutants appellent les députés français à supprimer cette disposition liberticide des lois de bio-éthique. Ils appellent également les citoyens à faire valoir le droit de libre-disposition de leur corps contre les menées totalitaires de l’Etat français.



 

Le texte exact des lois de bioéthique

La nouvelle loi de bioéthique transmise par le Sénat à l’Assemblée nationale le 31 janvier 2003, en vue de sa deuxième lecture et de son vote définitif les 9, 10 et 11 décembre 2003, stipule notamment :

“ SOUS-TITRE II

“ DES CRIMES CONTRE L'ESPÈCE HUMAINE ”

“ Chapitre Ier

“ Des crimes d'eugénisme et de clonage reproductif ”

“ Art. 214-1. - Le fait de mettre en œuvre une pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d'amende.

“ Art. 214-2. - Le fait de procéder à une intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d'amende.

“ Art. 214-3. - Les infractions prévues par les articles 214-1 et 214-2 sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 € d'amende lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

“ Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article.

“ Art. 214-4. - La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l'un des crimes définis par les articles 214-1 et 214-2 est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7 500 000 € d'amende.

“ Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article.